Musique d'"Ennio Moricone": "Il était une fois dans l'Ouest...."
ou "Il était une fois en Algérie..."
2 février 1963:
Le colonel Jean Bastien Thirry, au début de son interrogatoire lors de son procés lit
une déclaration qui constitue la justification de son action.
Le cercle créé par sa femme, depuis animé par ses filles, diffuse aussi un émouvant enregistrement de cette déclaration.
8 Février 1963 :
L'ambassade de france, renseignée par ce qui reste de troupes françaises en algérie,
remet aux membres de la mission de la croix rouge internationale une liste de 25 camps
de concentration où se trouvent des harkis, et une liste nominative des harkis qui s'y trouvent.
Ceci ne servira à peu près à rien, seuls quelques centaines seront libérés.
Le comité des affaires algériennes du 8 février "prend les mesures nécessaires pour que
les fonctionnaires en poste en algérie soient payés régulièrement à partir du premier Mars ".
En bon français le gouvernement prend en charge ces traitements, devant l'incapacité
(ou la mauvais volonté) du gouvernement algérien de les assurer.
15 février 1963:
La police annonce un nouveau triomphe, un complot destiné à assassiner De gaulle au fusil à
lunette lors d'une visite à l'école militaire est déjoué.
Si cette tentative a bien été montée par Wattin ("la boiteuse") un des rares activistes encore actif,
elle a été dénoncée dès l'origine par un des comploteurs, et n'a jamais eu la moindre chance d'aboutir.
Elle servira néammoins à "justifier" la mise à mort de Bastien Thiry, l'enlevement d'Argoud,
l'acharnement contre Bidault et Soustelle.
Le commandant Robert Casati meurt dans la prison de fresnes, faute de soins.
Des années plus tard un "dédommagement" sera accordé à son épouse.
22 Février 1963 :
A Orleansville, une mère dont les deux fils avaient été enlevés,
vivait jour après jour depuis plus de trois mois le calvaire des parents qui voient
s'amoindrir chaque minute l'espoir de retrouver leurs enfants mais attendent un miracle et
pensent que partir serait tuer une seconde fois les victimes en acceptant d'entériner leur mort.
Elle apprit que des délégués de la Croix Rouge chargés d'enquêter sur les enlèvements venaient d'arriver
à Orleansville.
Elle se rendit à leur bureau.
On lui répondit que les délégués étaient à la piscine.
Elle y courut. On lui répondit:
" Mais tournez la page, madame. Ils sont tous morts! "
Et comme la malheureuse mère se refusait à "tourner la page", selon l'odieuse expression
des baigneurs, comme elle osait insister, questionner, les délégués lui dirent
qu'ils ne tenaient pas à être enlevés à leur tour au cours d'éventuelles enquêtes dans les "djebels".
Ils accomplissaient un voyage d'agrément sur les terres de soleil endeuillées.
23 février 1963:
Le 21 février 1963, une réunion a lieu à l'Ambassade de France à Alger concernant les disparus.
Le 2éme bureau de l'Etat -Major interarmées y assiste.
Cela n'est pas nouveau:
depuis l'indépendance de l'Algérie, l'Ambassadeur réunit régulièrement ses collaborateurs
pour saisir l'évolution des enlèvements et disparitions des Européens!.
Cependant, pour la première fois, on a un chiffrage officiel des " Disparus ".
D'après l'ensemble des renseignements possédés par l'Ambassade,
"il y aurait en tout 1 850 Européens disparus" imputables au FLN" entre le 19 mars 1962
et le 31 décembre 1962 dont:
- 823 disparitions entre le 19 mars et le 1 juillet 1962
- 975 disparitions entre le 1 juillet et le 31 décembre 1962 "
L'Ambassade reconnaît donc qu'il y a eu davantage d'enlèvements et de disparitions
sous l'Algérie indépendante que pendant la période dite de l'Exécutif provisoire.
Au cours de cette réunion, il est également décidé que la Croix-Rouge, qui vient d'obtenir
l'autorisation du gouvernement algérien pour mener des recherches sur les disparus européens,
"porterait ses efforts sur les disparus d'après l'indépendance espérant retrouver la trace
d'environ 200 d'entre eux".
Cependant, deux décisions, en apparence contradictoires, vont être prises.
D'un côté, les services de l'Ambassade s'engagent à établir un suivi chiffré des disparus
mois par mois mais d'un autre côté, l'idée maîtresse de l'Ambassade est
"de faire disparaître le mythe des survivants" auprès des personnes qui recherchent leurs
proches et auprès des associations de rapatriés qui ne cessent d'interpeller le pouvoir politique.
"Faire disparaître le mythe des survivants" n'empêche toutefois pas l'Ambassade de tenir un
décompte extrêmement précis des exactions commises contre les personnes civiles européennes
et cela tous les deux mois de février 1963 à janvier 1964.
Jean-Jacques Jordi "Un silence d'état"
25 février 1963 :
Les services spéciaux français enlèvent le colonel Argoud à Munich et le livrent
à la préfecture de police de Paris, non sans l'avoir menacé de mort et de torture en cours de route.
La bonne presse (le monde, l'huma...) raconte qu'il s'agit là du résultat de dissentions
au sein de l'OAS entre facistes et royalistes.
Citons la déclaration de Georges Bidault:
J'ai la conviction que le Colonel Argoud a eu la vie sauve au fait que toutes les rivières étaient
gelées et qu'on ne pouvait pas, à la sauvette, faire un trou dans la glace au bord de la route.
"Autrement dit, cet enlèvement aurait fort bien pu se muer en assassinat comme ce fût le cas pour
tant d'autres.
En décembre 1963, la -Cour de Sûreté de l'Etat", aussi servile que dévouée,
condamna le Colonel Argoud à la détention criminelle à perpétuité.
Il resta 7 ans en prison et n'en sortit que grâce à la "grande peur" de mai 1968
qui engendra l'amnistie .