EXTRAITS d'un DOCUMENT PERSO DE Jean-Jacques Viala "guerredalgerie.pagesperso-orange.f"
5 Avril 1963 :
Le comité des affaires algériennes de ce jour avertit (secrètement) le gouvernement algérien que
"toute nouvelle spoliation de propriété française aura ses répercussions sur le montant de l'aide économique
de la france".
A son tour Bidault ancien président du Comité National de la Résistance pendant la guerre, où il a succédé à
Jean Moulin, ancien chef d'état, ancien premier ministre, ministre des affaires étrangères d'innombrables fois,
qui a créé pour défendre l'algérie française un nouveau CNR, est expulsé d'Allemagne
(où il avait essayé en vain de faire jouer l'amitié qui le liait à Adenauer) vers le Brésil.
Il ne reviendra en France qu'après l'amnistie de 68, il ne verra jamais ce qu'il annonçait comme imminent:
11 Avril 1963:
Le ministre des affaires étrangéres, Mohamed Khemisti est assassiné, par un "fou" retrouvé pendu dans sa cellule fin 66.
Le jeune et fringant Bouteflika est promu à ce poste.
17 Avril 1963:
Khider qui était responsable du parti unique (le FLN) en profond desacord avec Ben Bella, en particulier
à cause du desastre que constitue l'autogestion, démissionne et se réfugie en suisse.
Ben Bella ajoute son job (secrétaire général du F.L.N.) à tous ceux qu'il a déjà.
(chef de l'état, premier ministre, ministre de l'intérieur, ministre des finances).
18 Avril 1963 :
Sous Lieutenant de parachutiste, membre de l'O.A.S. métropole, poéte, écrivain, Jean de Brem est cerné dans
un appartement où il se réfugiait.
Sur renseignement, la police entoure jean de Brem et Serge Bernier, dans la rue de l'Estrapade, au petit matin.
Jean de Brem essaye de se sauver, la police le couche d'une balle dans la jambe puis l'égorge.
Des passants attirés par le coup de feu sauvent la vie de Bernier, au moment où il allait subir le même sort.
Les journaux annoncent:
Sartre approuve ainsi que toutes les grandes consciences morales de france.
21 Avril 1963:
Pierre Lafrfont, ancien député, ancien directeur de l'écho d'oran, raconte ses desillusions:
(extrait de son livre, "l'expiation")
C'est l'époque des grands meetings où le frère Ben Bella, pendant des heures, essaie d'imiter son modèle:"Fidel Castro".
L'enthousiasme est la panacée: avec lui, tout est possible.
Prenons un exemple, la replantation:
le président algérien décide un jour que son pays pâtit du déboisement et qu'il convient d'y porter remède.
C'est un excellent exemple de ce qu'une idée, bonne au départ, peut déboucher sur un résultat ridicule
quand l'incompétence se conjugue avec la précipitation.
Au temps des Romains, on pouvait aller des Colonnes d'Hercule à Carthage sans sortir de la forêt.
Aujourd'hui, la terre pelée souffre d'une érosion grandissante.
La disparition de la forêt est probablement due, avant tout, à des modifications climatiques.
Mais aussi à la présence de l'homme qui a besoin de bois pour chauffer ses aliments et, plus encore,
à celle de la chèvre qui arrache les jeunes plants au lieu de couper les branches.
Depuis quelques années la France avait entrepris, par la D.R.S. (Défense et restauration des sols),
une œuvre admirable mais limitée par les moyens mis à la disposition du service.
On découpait les montagnes arides en courbes de niveau parallèles et, sur ces banquettes,
on plantait les arbres adaptés à l'exposition et à la nature du sol.
Les effets de cette entreprise commençaient à se faire sentir.
A Oran (21 avril 1963) Ben Bella déclare:
"Le gouvernement français avait mis autrefois sur pied un programme de reboisement destiné à endiguer ce fléau
(érosion) et qui s'étendait sur une période de vingt ans.
"Aujourd'hui, avec l'union du peuple, de l'armée, des organisations nationales, nous devons prouver au monde
que nous sommes capables de le réaliser en deux ou trois ans." Et de convier, dans toutes les communes du pays.
les habitants à une "Journée de l'Arbre".
Chacun est tenu de planter au moins un arbuste.
Dans l'allégresse, les villes et villages se rendent au lieu désigné et plantent au jour fixé par Alger.
Inutile de dire que ces arbres plantés sans tenir compte de l'époque de l'année, des conditions locales,
et privés de soins, ne survécurent qu'à de très rares occasions.
Aujourd'hui, la seule ombre produite est celle des bâtons auxquels ils étaient attachés.
Six mois plus tard, on ne parle plus des arbres .
30 avril 1963 :
Du 19 mars 62 au 30 avril 63, il y eut d'après les statistiques officielles 3093 disparus.
-306 tués.
- 969 retrouvés vivants.
- 1818 dont on est sans nouvelles parmi les européens d'algérie.
Ce chiffre ne comprend pas les attentats vieux style, c'est à dire dont les corps sont immédiatement retrouvés,
un bon millier.
Les harkis et autres musulmans ne sont pas comptabilisés par les statistiques gaullistes.
Les chiffres des pieds noirs sont sensiblement supérieurs.
(30.000 morts ou disparus depuis le 19 Mars).
De nombreuses familles de disparus alertent qui leur député,
qui leur sénateur, qui leur maire afin de faire pression au moins sur le gouvernement français à défaut d'intervenir
sur le gouvernement algérien.
Une des premières démarches à l'Assemblée nationale sera celle, conjointe en janvier 1963,
du député socialiste du Vaucluse, Henri Duffaut, de celui du Maine-et-Loire, Hauret (UNR) et celui du Morbihan,
Christian Bonnet (Centre démocratique).
Ces trois députés interpellent M. de Broglie sur les "disparus en Algérie" et sur le cas des prisonniers militaires
français détenus en Algérie et qui, affirment-ils, subissent des sévices.
Le secrétaire d'Etat aux Affaires algériennes leur répond (J.O. du 1er février)
Cependant, ajoute t-il, à Oran se trouveraient encore quelques Français, ne comprenant ni femmes, ni enfants ...
au total il y aurait environ une soixantaine de Français détenus dans les prisons algériennes ...
Il est extrêmement improbable que d'autres Français soient détenus en Algérie à l'insu de nos représentants".
Pourtant, quelques mois plus tard, le 7 mai 1963, ce même secrétaire d'Etat, en réponse à une question de
René Pleven, indiquait devant les députés que
C'est au Sénat que les dernières passes d'armes ont lieu entre quelques sénateurs et gouvernement concernant
plus généralement les accords d'Evian.
Puis ce fut le silence officiel et on ne relèvera qu'une douzaine d'interpellations du gouvernement
par les parlementaires entre 1963 et 1973.
Le 24 novembre 1964, de Broglie intervient pour la dernière fois devant le Sénat affirmant qu'il n'y avait que
1773 personnes disparues dont une
On ne sait pas sur quels éléments le Secrétaire d'Etat se base alors pour avancer de tels chiffres mais
cela ne correspond aucun des rapports que nous avons consultés datant de cette période!
En revanche, en septembre 1963, le sénateur du Haut-Rhin, Paul-Jacques Kal (Union pour la Nouvelle République)
avait directement saisi Pierre Messmer ministre des Armées, lui demandant non seulement des informations
sur les militaires disparus en Algérie mais aussi sur les civils disparus.
Messmer répondit qu' "à la fin du conflit algérien, 239 militaires français étaient encore portés disparus ...
Des dossiers complets ont été remis [précise t-il au sénateur Kalb] à la Croix-Rouge lors des enquêtes
qu'elle a menées en Algérie.
Il faut reconnaître malheureusement que ces enquêtes n'ont abouti à aucun résultat concret".
En ce qui concerne les disparus civils, c'est justement Jean de Broglie qui répond par lettre au
sénateur Kalb le 16 novembre 1963: ...
"Comme je l'ai indiqué récemment, nous avons recensé 1 800 disparus.
A ce jour, la Croix-Rouge a effectué une enquête sur
- 1185 cas sur lesquels nous avons établi
-308 décès
-et 444 présomptions de décès,
ce qui porte à 752 le nombre des disparus que nous n'avons probablement aucune chance de retrouver en vie.
-96 personnes ont été retrouvées et il y a 8 désertions reconnues.
Je fais poursuivre 327 compléments d'enquête.
Il reste donc 615 personnes dont nous sommes absolument sans nouvelles".
Or, le 5 novembre 1963, le nouvel ambassadeur de France en Algérie, Georges Gorse, avait écrit à Jean de Broglie:
"Compte tenu des vérifications systématiques effectuées par les services de l'ambassade et des conclusions relevées
dans certains rapports des délégués du ClCR,
le bilan des atteintes aux personnes relevées en Algérie depuis la date du cessez-le-feu se traduit aujourd'hui
par les chiffres suivants:
** sur 852 disparus,
** il y a 272 tués,
**205 retrouvés vivants et 375 dont le sort n'est pas précisé.
- période du 1 er juillet au 31 décembre 1962,
sur 1 543 disparus signalés,
** il y a 279 tués,
** 752 retrouvés vivants,
** 6 en détention
**et 506 dont le sort n'est pas précisé".
Bien que possédant tous ces renseignements, Jean de Broglie préfère minimiser aux yeux de l'opinion publique
le problème posé par les enlèvements et les disparitions de civils français en Algérie.
Les interpellations officielles du gouvernement français concernant les disparus civils sont rarissimes
et elles viennent du Vatican!
Le 26 avril 1965, alerté par Mgr Duval, le pape Paul VI se met en rapport avec René Brouillet,
Ambassadeur de France près le Saint Siège pour avoir des réponses quant aux Français disparus ou arrêtés en Algérie,
au sort des harkis et à la répression des faits de subversion dans la période qui a précédé et suivi l'accession
de l'Algérie à l'indépendance.
Quatre notes sont rédigées, empruntant très largement aux lettres de Jean de Broglie, et envoyées au Vatican.
On n'en sait pas davantage.
D'un autre côté, par les multiples ordonnances, instructions ministérielles et articles de loi pris
en faveur des conjoints de disparus par exemple, et cela dès septembre 1962, le gouvernement de l'époque
se penchait non sur le sort des disparus mais sur celui des familles de disparus.
Force est de constater que quelques familles de disparus n'ont pas complètement adhéré à la volonté du
gouvernement français puisque des associations devaient à l'aube du 3ème millénaire ré-interpeller le gouvernement.
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